À Rome, au Ier siècle, le jeune Britannicus aurait dû devenir empereur suite au décès de son père. Or, suite à diverses machinations, c’est Néron, le demi-frère par alliance de Britannicus, qui est monté sur le trône. Néron, tyrannique, enlève la jeune Junie, qui éprouve un amour réciproque pour Britannicus. D’abord motivé par des raisons politiques, cet enlèvement engendre une conséquence inattendue pour Néron : il s’éprend de la jeune fille et découvre en lui la violence de la passion. Junie reste insensible aux avances et aux menaces de Néron. Les deux amants parviennent à se ménager un entretien secret où ils se réitèrent leurs sentiments amoureux mais ils sont surpris par l’arrivée de Néron qui a tout entendu. Défense avait pourtant été faite aux jeunes gens de se revoir...
Néron
Prince, continuez des transports si charmants.
Je conçois vos bontés par ses remerciements,
Madame, à vos genoux, je viens de le surprendre.
Mais il aurait aussi quelque grâce à me rendre,
Ce lieu le favorise, et je vous y retiens
Pour lui faciliter de si doux entretiens...
Britannicus
Je puis mettre à ses pieds ma douleur, ou ma joie,
Partout où sa bonté consent que je la voie.
Et l'aspect de ces lieux où vous la retenez,
N'a rien dont mes regards doivent être étonnés.
Néron
Et que vous montrent-ils qui ne vous avertisse
Qu'il faut qu'on me respecte, et que l'on m'obéisse ?
Britannicus
Ils ne nous ont pas vu l'un et l'autre élever,
Moi pour vous obéir, et vous pour me braver,
Et ne s'attendaient pas lorsqu'ils nous virent naître,
Qu'un jour Domitius me dût parler en maître.
Néron
Ainsi par le destin nos voeux sont traversés,
J'obéissais alors et vous obéissez.
Si vous n'avez appris à vous laisser conduire,
Vous êtes jeune encore et l'on peut vous instruire.
Britannicus
Et qui m'en instruira ?
Néron
Tout l'empire à la fois,
Rome.
Britannicus
Rome met-elle au nombre de vos droits
Tout ce qu'a de cruel l'injustice et la force,
Les emprisonnements, le rapt, et le divorce ?
Néron
Rome ne porte point ses regards curieux
Jusque dans des secrets que je cache à ses yeux.
Imitez son respect.
Britannicus
On sait ce qu'elle en pense.
Néron
Elle se tait du moins, imitez son silence.
Britannicus
Ainsi Néron commence à ne se plus forcer.
Néron
Néron de vos discours commence à se lasser.
Britannicus
Chacun devait bénir le bonheur de son règne.
Néron
Heureux ou malheureux, il suffit qu'on me craigne.
Britannicus
Je connais mal Junie, ou de tels sentiments
Ne mériteront pas ses applaudissements.
Néron
Du moins si je ne sais le secret de lui plaire,
Je sais l'art de punir un rival téméraire.
Britannicus
Pour moi, quelque péril qui me puisse accabler,
Sa seule inimitié peut me faire trembler.
Néron
Souhaitez-la. C'est tout ce que je vous puis dire.
Britannicus
Le bonheur de lui plaire est le seul où j'aspire.
Néron
Elle vous l'a promis, vous lui plairez toujours.
Britannicus
Je ne sais pas du moins épier ses discours.
Je la laisse expliquer sur tout ce qui me touche,
Et ne me cache point pour lui fermer la bouche.
Néron
Je vous entends. Hé bien, gardes !
Jean RACINE, Britannicus, Acte III, scène 8, 1669
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